Les notions clefs de modification substantielle des conditions d’exécution et de force majeure pour la sortie de certains contrats (articles 1195 et 1218 du code civil, et notions de Common Law) vont être réinterprétées dans certains contrats commerciaux à l’aune du Brexit
a) L’imprévisibilité : codifiée dans le code civil sous l’article 1195 du code civil selon lequel « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. »
Afin d’être éligible à la théorie de la révision pour imprévision, l’article 1195 du code civil stipule le respect de conditions strictes. D’une part, il doit s’agir d’un risque imprévisible et non assumé. D’autre part l’imprévision doit rendre l’exécution excessivement onéreuse. Enfin, de nombreux contrats contiennent des clauses d’exclusion de l’article 1195 du code civil.
b) La force majeure : Selon l’article 1218 du code civil: » Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.
b) En droit anglais, la théorie de l’imprévision existe également. Il s’agit de la théorie de la ‘frustration’ telle qu’elle découle de l’affaire Taylor v Caldwell de Dans cette hypothèse une partie à un contrat peut se prévaloir de cette théorie lorsqu’après la conclusion du contrat, un évènement intervient, rendant l’exécution du contrat impossible, ou lorsqu’il change de manière considérable son exécution. Dès lors que la frustration est établie, le contrat sera considéré comme nul ce qui ne permet pas de prétendre à des dommages-intérêts. Ainsi, chaque partie doit subir ses propres pertes qui résultent d’un évènement de frustration et elle ne peut pas récupérer ses pertes qui proviennent de la frustration de l’autre partie. Il s’agit de la fameuse maxime « the loss lies where it falls »
Là encore, pour les contrats conclus avant juin 2016 et dans une moindre mesure pour ceux conclus entre 2016 et 2021, car le ‘No deal’ est un événement presqu’aussi peu prévisible que le Brexit, il serait parfaitement admissible que le Brexit constitue un cas de’ frustration’ dans la mesure où il deviendrait impossible pour une des parties d’exécuter ses obligations, y compris pour les contrats conclus entre juin 2016 et fin janvier 2021 en cas de No Deal Brexit. En effet, la jurisprudence anglaise admet parfaitement les hypothèses selon lesquelles une partie au contrat serait dans l’impossibilité physique ou légale d’exécuter ses obligations (Morgan v. Manser de 1948). Cette impossibilité légale serait parfaitement envisageable avec le Brexit. À ce titre, une partie pourrait se retrouver dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations en raison du fait qu’elle aurait besoin d’une licence ou d’une autorisation qui peuvent être supprimées pour cause de Brexit. Dans une telle situation, le contrat serait illégal et il serait possible d’en obtenir la nullité.
Cela pourrait être le cas notamment pour le marquage CE et la localisation de l’organisme notifié qui autorise la distribution en UE des dispositifs médicaux, ce qui pourrait ne plus fonctionner si l’ON est au RU.
En droit anglais, si le contrat est exécutable mais à un coût exorbitant, la jurisprudence britannique est particulièrement stricte sur ce point et n’accepte que très rarement de remettre en cause la validité du contrat. En effet, la théorie de la frustration n’a pas pour objectif de libérer le débiteur d’une mauvaise affaire à cause de la théorie du mauvais accord commercial ou « imprudent bargain » . La frustration ne peut pas être admise dès lors que le débiteur avait assumé un risque dans lequel il avait connaissance de l’évènement qui a rendu sa prestation plus onéreuse. Naturellement, cette théorie ne présente d’intérêt que pour les contrats ne contenant pas de clauses de hardship ou de force majeure. En droit anglais ce sont les notions de : clauses de hardship, cas de material adverse change, et de frustration. Les clauses de sortie ou d’adaptation foisonnent dans tous les types de contrats et fonctionneront certainement pour ceux conclus avant le referendum de 2016. Il en va de même de la clause de force majeure lorsque le contrat est conclu avant le referendum de 2016 .
Si l’on veut minorer cet impact, il existe des clauses dites de ‘Brexit-Wall’, applicables notamment aux contrats conclus entre juin 2016 et le 31 janvier 2021
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