Les mesures préventives de protection juridique des Laboratoires distribuant des prothèses destinées à l’implantation dans le corps humain
Le laboratoire Poly Implant Prothèse (PIP) , lors de la substitution des matières premières déclarées dans le dossier remis à l’AFSSAPS pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché, ignorait totalement les conséquences dramatiques de son acte : d’une part, sur le plan humain, il a provoqué des préjudices considérables aux patientes à cause de la non-conformité des prothèses, et d’autre part, il a entrainé sa propre défaillance financière.
Le respect scrupuleux de la procédure d’autorisation de mise sur le marché : un gage de conformité
Force est de constater, qu’elle n’a guère anticipé l’effet néfaste que pouvait avoir le gel de silicone industriel dans l’organisme humain.
Il est fortement recommandé de respecter scrupuleusement la procédure d’autorisation de mise sur le marché. Le laboratoire doit absolument utiliser de manière effective, les matières premières qu’il a indiquées dans le dossier remis à l’AFSSAPS.
Le caractère fortement irritant de ce gel a entrainé la mise en jeu de sa responsabilité du fait de la défectuosité de ses prothèses. Il ressort de la mauvaise expérience de cette société, la nécessité impérieuse pour un laboratoire, de s’assurer que le dispositif médical qu’il propose, présente la sécurité à laquelle les patients peuvent légitimement s’attendre. Une telle garantie passe par l’obtention du très important marquage CE, qui, selon la Directive 93/42/CEE, certifie que le produit en question est conforme aux exigences essentielles de santé et de sécurité des patients.
Le retrait du marché des dispositifs médicaux : une sanction susceptible d’entrainer une défaillance financière
Le laboratoire ne respectant pas scrupuleusement la procédure d’autorisation de mise sur le marché est susceptible de subir, à l’instar de la société Poly Implant Prothèse (PIP), la suspension de la mise sur le marché, la distribution, l’exportation et l’utilisation de ses dispositifs médicaux. Ainsi, le respect de cette procédure implique de ne pas la contourner après obtention de l’autorisation.
Une telle mesure prise à l’encontre d’un laboratoire peut avoir pour conséquence la cessation d’activité de la société et à terme, sa liquidation judiciaire.
La responsabilité médicale des chirurgiens plasticiens
Définition de la chirurgie plastique
D’après le Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, la chirurgie plastique englobe la totalité des interventions qui modifient, réparent ou embellissent le corps.
Ainsi, sont distinguées la chirurgie réparatrice ou reconstructive considérée comme un acte médical nécessaire à visée thérapeutique et la chirurgie esthétique, destinée exclusivement à améliorer/modifier l’apparence corporelle répondant à des motivations personnelles et non curatives.
La responsabilité médicale des praticiens pratiquant la chirurgie réparatrice est une responsabilité de droit commun et ce, en raison du caractère thérapeutique.
L’encadrement légal de la chirurgie esthétique
Avant la loi du 4 mars 2002, l’activité de chirurgie esthétique était faiblement contrôlée, l’encadrement résultant du seul arrêté du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique ; c’était la jurisprudence qui réglementait l’exercice de la profession.
Ce sont la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et le décret n°2005-777 du 11 juillet 2005 qui ont strictement encadré la profession.
L’ensemble législatif s’articule autour de deux volets : le premier est relatif à la qualité des installations exigées pour pratiquer cette discipline, le second vise à renforcer les obligations du praticien envers les patients.
L’exigence d’une installation appropriée à pratiquer la chirurgie esthétique
L’article L 6322-1 du Code de la santé publique (CSP) dispose qu’ « une intervention de chirurgie esthétique (…) ne peut être pratiquée que dans des installations satisfaisant à des conditions techniques de fonctionnement. Celles-ci font l’objet d’une accréditation dans les conditions prévues à l’article L 6113-1 du Code de la santé publique ».
Les établissements de santé (publics ou privés) ou les centres privés de chirurgie esthétique souhaitant pratiquer cette discipline doivent en demander l’accréditation à la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’autorisation sera délivrée par l’Agence Régionale de Santé (ARS).
L’article 54 de la loi du 4 mars 2002 (article L 6324-2 CSP) institue un dispositif de sanctions pénales réprimant les infractions aux dispositions législatives relative à la procédure administrative notamment le défaut d’autorisation.
Les obligations du praticien
Les obligations du praticien ont été renforcées et ce, en raison du caractère non thérapeutique de la chirurgie esthétique.
Le chirurgien a l’obligation :
– d’informer le patient sur les conditions de l’intervention, sur les risques graves et exceptionnels ainsi que sur les éventuelles conséquences et complications/inconvénients même dépourvus de gravité liés à l’opération (arrêts Civ 1re, 17 fév 1998, Union des assurances de Paris (UAP) c/ Mme X et autres et CE 15 mars 1996, Mlle Durand).
Il s’agit alors d’une obligation de moyen renforcée (contrairement au régime commun de la responsabilité qui fait peser sur le praticien une simple obligation de moyen) : l’absence de finalité thérapeutique immédiate justifie que l’information soit étendue à l’ensemble des risques.
La charge de la preuve de l’obligation d’information pèse sur le médecin (arrêts de la Cass 25 février 1997, Cour d’Appel de Toulouse 18 février 2008 et Cour d’appel de Paris 10 octobre 2008).
Pour la jurisprudence, il y a défaut d’information lorsque le chirurgien qui a rencontré le patient n’a pas pratiqué l’opération sans l’avoir avisé.
Le dommage découlant d’une violation du devoir d’information n’est pas le préjudice corporel lui-même mais la perte d’une chance d’avoir pu refuser l’intervention.
– de faire une balance bénéfices/risques
Dans l’arrêt du 11 septembre 2009, la Cour d’Appel de Paris a retenue la responsabilité d’un chirurgien qui avait mal exercé son devoir de conseil ; en l’espèce, il avait accédé à la demande d’une patiente de recevoir des prothèses mammaires plus volumineuses alors quelles n’étaient pas adaptées à sa morphologie.
– de remettre un devis détaillé et de respecter le délai de réflexion
L’article L 6322-2 prévoit que pour toute intervention esthétique, le chirurgien doit remettre au patient, un devis détaillé.
Ce dernier doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires, il est émis en double exemplaires et signés par les parties au contrat ; la date de signature du devis est le point de départ du délai de réflexion. L’article D 6322-30 CSP dispose qu’entre la remise du devis détaillé, daté et signé et l’intervention, un délai de réflexion de quinze jours au minimum doit être respecté et ce, pour que le patient puisse prendre une décision éclairée.
Des sanctions pénales sont prévues en cas de violation des obligations relatives à l’établissement du devis : non-remise du devis, non-respect du délai de réflexion et exigence ou obtention d’une contrepartie de toute nature que ce soit (le patient pourrait verser de l’argent en échange du non respect du délai de réflexion).
Le tribunal de Grande Instance de Marseille, le 8 septembre 2008, a condamné un chirurgien pour non respect du délai de réflexion « de façon à précipiter le consentement ».
Ce sont les médecins inspecteurs de santé publique et les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (article L 6324-1) qui sont compétents pour constater ces infractions.
La responsabilité de la clinique pour manquement à son obligation générale d’organisation
Dans l’arrêt du 11 juin 2009, la Cour de cassation a retenu la responsabilité d’une clinique laquelle n’avait pas fourni au patient, un personnel qualifié.
En vertu du contrat d’hospitalisation et de soins le liant à son patient, l’établissement de santé privé est tenu d’une obligation de renseignements concernant les prestations qu’il est en mesurer d’assurer, de procurer au patient des soins qualifiés et de mettre à sa disposition un personnel qualifié et compétent. Ainsi, l’établissement doit vérifier attentivement la qualification professionnelle des praticiens avec lesquels il est lié par un contrat.
Le décret du 11 juillet 2005 (article D 6322-43) énumère les diplômes nécessaires pour pratiquer la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique.
La responsabilité du fabricant pour produit défectueux
Dans l’arrêt du 5 novembre 2008, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a condamné un fabricant de prothèses défectueuses au nom de la responsabilité du fait des produits défectueux (loi n°98-389 du 19 mai 1998) et a écarté celle du médecin.
La responsabilité du fabricant/producteur a été engagée dès lors qu’aucune autre faute n’est intervenue (médecin, patient).
La responsabilité médicale des implantologues
Définition de l’implantologie
L’implantologie est une branche de la chirurgie dentaire spécialisée dans les implants/prothèses dentaires.
Elle est pratiquée par des chirurgiens-dentistes titulaires d’un diplôme d’Université d’implantologie.
La responsabilité médicale du chirurgien-dentiste n’exerçant pas au titre d’implantologue est une responsabilité de droit commun.
Les obligations propres à l’implantologie
Outre les obligations posées par la responsabilité de droit commun en matière médicale (obligation d’information sur tous les risques encourus, information claire, loyale et précise,…), le praticien implantologue doit remettre un devis écrit et détaillé : description précise et détaillée du traitement envisagé et/ou des matériaux utilisés, le montant des honoraires correspondant au traitement et le montant remboursé par l’Assurance Maladie.
Dans son arrêt du 31 mai 2001, la Cour d’Appel de Lyon a condamné un chirurigien-dentiste pour manquement à son obligation de renseigner.
Cette même cour, le 1 décembre 2005 a condamné un chirurgien-dentiste pour défaut de devis.
L’obligation de résultat du praticien
Généralement, le traitement implantaire nécessite la collaboration d’un prothésiste et d’un chirurgien.
Depuis la directive européenne 93/42 CE, les prothèses dentaires sont considérées comme des dispositifs médicaux sur mesure.
Le prothésiste est assimilé au fabricant et il a donc la responsabilité de la conception, de l’élaboration, de la transformation des produits, de la mise sur le marché et des exigences de matériovigilance auprès de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (exigence du marquage CE (article R 5211-12 Code de la Santé Publique (CSP)).
Le législateur impose une obligation de résultat en matière de pose de prothèse à savoir :
- la fabrication de l’implant
- la confection et la conception, et ce, depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2004.
Dans son arrêt du 29 février 2000, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a condamné un chirurgien-dentiste au motif que la prothèse dentaire présentait des défauts et que le praticien est « tenu de fournir un appareillage dentaire sans défaut, une telle obligation étant de résultat ».
Comme il s’agit d’une obligation de résultat, la responsabilité du chirurgien-dentaire est présumée.
Le chirurgien-dentiste est lié au patient par un contrat de soin et il est le seul à avoir des obligations de résultat envers lui; à l’inverse, le prothésiste n’a d’obligations que vis-à-vis du praticien dans le cadre d’un contrat de fourniture. Le prothésiste n’est pas un professionnel de santé, il fabrique les implants suivant la prescription écrite d’un praticien et s’il ne les suit pas, il engage sa responsabilité mais seulement à l’égard du praticien.
Le patient n’ayant aucun lien contractuel avec le prothésiste, c’est au chirurgien-dentaire d’assumer la responsabilité du fournisseur.