Le recel successoral est une notion issue du droit prétorien, il n’a pas été défini par la loi. Au sens étymologique, il désigne l’acte d’un successible qui cache certains effets successoraux avec l’intention de se les approprier et d’en frustrer ses cohéritiers.
La jurisprudence a fini par le définir comme tout acte, comportement, procédé volontaire par lequel un héritier tente de s’approprier une part supérieure sur la succession que celle à laquelle il a droit dans la succession du défunt, rompant ainsi l’égalité dans le partage successoral.
A titre préventif, dès la survenance d’un décès, il est conseillé à tout héritier, légataire ou créancier habilité de faire établir un inventaire de la succession par un notaire. Ceci permettra d’apporter la preuve que ces biens appartenaient au défunt au moment du décès et qu’ils ont intégré la succession même s’ils ont disparu.
CARACTÉRISATION DU RECEL SUCCESSORAL
Le recel successoral nécessite la réunion d’un élément matériel et d’un élément intellectuel
Depuis un arrêt rendu en 1ère chambre civile le 27 janvier 1987, il est devenu une règle immuable que la question de l’existence du recel successoral est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.
- Quelques éléments matériels courants:
- la dissimulation d’un héritier (Il s’agit d’une omission intentionnelle (Civ. 1re, 20 sept. 2006, no04-20.614)
- la dissimulation d’une donation
- la dissimulation d’une dette envers le défunt
- la non révélation lors d’un inventaire de l’existence de biens successoraux que détenu par l’héritier receleur ou les déclarations conduisant à la rédaction d’un inventaire inexact.
- L’élement intellectuel, intentionnel:
- se matérialise par l’intention frauduleuse de fausser les opérations de partage au détriment de l’un et à l’avantage de l’autre. Le successible doit avoir voulu s’approprier un effet de la succession en faisant bon marché du droit des autres
- la preuve incombe à ceux qui invoquent l’intention frauduleuse.
- Cependant cette intention peut aussi se déduire de faits matériels ( 1ère, 28 juin 2005, n°04-13.776). Dans l’arrêt Civ. 1ere, 1er février 2017 n° 16-14.323, les juges du fond ont retenu la mauvaise foi de l’auteur du recel et son intention de rompre l’égalité du partage au regard de la déclaration mensongère sur l’origine des fonds dans l’acte d’acquisition de l’absence de déclaration de cette donation au notaire chargé de la succession, du refus de répondre à l’héritière qui l’interrogeaient sur l’existence de cette donation et de la rapidité avec laquelle l’auteur du recel a renoncé à la succession
- On observe aussi que cette intention peut se trauire par le mensonge. Ainsi, dans une espèce complexe, une fille avait originairement servi de prête-nom à son père, dans une perspective d’évasion fiscale et relativement à l’acquisition d’immeubles dans le cadre d’une société civile immobilière, plus de vingt ans avant l’ouverture de la succession paternelle. Il a pu être jugé que la fille, par ses mensonges, avait cherché à porter atteinte à l’égalité du partage, en dissimulant des donations de deniers qui avaient permis les acquisitions litigieuses, de sorte que l’élément intentionnel se trouvait caractérisé (Civ. 1Re, 14 avr. 2010, no 09-65.903)
Il ne peut donc y avoir de recel lorsqu’il n’existe pas d’intention frauduleuse. Tel est le cas pour des omissions non imputables à faute dans un inventaire (Req. 21 févr. 1837, préc.) ou dans une déclaration de succession (Civ. 1Re, 15 oct. 1974) , pour la détention faite de bonne foi de valeurs mobilières (Req. 13 mars 1882, 8 juin 1923, DP 1924.1. 45), d’un fonds de commerce (Toulouse, 31 octobre 1955) .
Le recel successoral caractérisé, quels sont les effets de sanctions que cela emporte ?
LES SANCTIONS POUR RECEL SUCCESSORAL
L’article 778 du code civil issu de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 énonce :
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
- Ainsi l’héritier receleur :
- sera réputé accepter purement et simplement la succession, qu’elle soit bénéficiaire ou déficitaire
- se verra priver de sa part sur tous les biens recelés qui reviendra en partage aux autres cohéritiers
- devra restituer tous les revenus produits des biens recelés dont il aura joui depuis l’ouverture de la succession
- sera éventuellement tenu d’allouer dommages et intérêts à ses cohéritiers.
- Sur la faculté de repentir
La jurisprudence au visa de l’article 792 du code civil lui offre néanmoins la faculté pour le l’héritier receleur de se repentir par la restitution spontanée et antérieure à toute poursuite. (Civ, 1ere, 14 juin 2005, n° 04-10755)
- Sur l’indivisibilité de la condamnation pour connaissance respective des faits de recel.
Les héritiers, qui, par des manœuvres frauduleuses, divertissent une somme d’argent dépendant de la succession, peuvent faire l’objet d’une condamnation indivisible pour recel de biens successoraux dans la mesure où ils ont eu connaissance respectivement du recel commis par l’autre. (Civ. 1re, 20 juin 2012, n° 11-17.383)
En l’espèce l’une des deux sœurs receleuses fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir décidé qu’elle devait rapporter à la succession la somme en question correspondant à la totalité des sommes recelées dans la succession et qu’elle serait privée de tout droit et de toute part sur cette somme
- Sur la Responsabilité civile du notaire contribuant à un recel successoral envers les receleurs
Le notaire contribuant à un recel successoral ne peut se voir incomber une responsabilité envers les receleurs pour la bonne raison que la règle d’or : prouver la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.
Or, dès lors que le recel a été voulu par les héritiers condamnés, le préjudice qu’ils subissent est de leur fait. Ils ne sauraient alors imputer au notaire les conséquences de leur propre turpitude. (Civ. 1re, 9 avr. 2014, n° 13-16.348)
En revanche la jurisprudence admet sans difficulté que les héritiers évincés par un recel successoral rendu possible par la négligence du notaire, puissent rechercher la responsabilité de ce dernier (Civ. 1re, 28 sept. 2011, n° 10-18.380) à supposer que celui ait en plus eu connaissance de l’élément intentionnel de l’héritier receleur.