L’IMPORTANCE DES CLAUSES DE NON CONCURRENCE
La clause de non-concurrence est une disposition écrite visant à interdire à un ancien salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente (pour son propre compte ou pour celui d’un nouvel employeur) qui porterait atteinte aux intérêts de son ancien employeur.
Cette clause vient donc limiter la liberté économique individuelle du salarié pour le temps suivant l’expiration du contrat de travail.
En effet, il est porté atteinte à la fois à la liberté de travail du salarié puisque ce dernier ne peut pas se faire réembaucher dans une entreprise concurrente, mais également à sa liberté d’établissement puisque l’ancien salarié est interdit de créer ou d’exploiter une entreprise concurrente. Ainsi, puisqu’un frein à la mobilité professionnelle du salarié est caractérisé, il apparait que l’insertion d’une telle clause au sein d’un contrat doit être strictement encadrée.
I- LES CONDITIONS DE VALIDITE DES CLAUSES DE NON CONCURRENCE DANS LES CONTRATS DE TRAVAIL
Les clauses de non concurrence sont généralement insérées dans le contrat de droit commercial ainsi que dans les contrats de droit du travail, dans cette dernière hypothèse, les clauses sont davantage encadrées.
En effet, en droit social, une clause de non concurrence n’est licite que si certaines conditions sont réunies. Elles ont été énumérées dans 3 arrêts de principe rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 juillet 2002 : une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
>Si l’une de ces conditions n’est pas respectée, la clause de non-concurrence est nulle et réputée n’avoir jamais existé.
>Si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence alors il peut être condamné par son ancien employeur au versement de dommages-intérêts (à condition que l’employeur prouve l’existence d’un préjudice). Par ailleurs, le salarié peut également être condamné à cesser son activité actuelle.
=>La clause doit donc:
- ETRE INDISPENSABLE AUX INTERETS LEGITIMES DE L’ENTREPRISE
Pour cela, il faut que l’entreprise détienne un secret, une méthode de travail ou une innovation technologique qu’elle souhaite protéger. L’employeur doit donc justifier et spécifier en quoi la présence de cette clause est nécessaire.
- L’EMPLOI DU SALARIE DOIT COMPORTER DES SPECIFICITES
Lors de son activité, le salarié a eu connaissance d’informations spécifiques ou confidentielles susceptibles de porter atteinte à la concurrence de l’employeur qui peut alors insérer une clause afin de protéger ces informations.
- ETRE LIMITEE DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE
La clause ne doit pas pouvoir empêcher totalement le salarié d’exercer sa profession conformément à sa formation et à sa qualification.
La Chambre sociale de la Cour de cassation a longtemps hésité sur le point de savoir si ces critères étaient alternatifs ou cumulatifs. Toutefois, il est établi depuis 2002 que pour être licite, la clause de non-concurrence qui oblige un salarié doit être limitée à la fois dans le temps et dans l’espace. La Cour de cassation démontre ainsi sa volonté de mieux protéger la liberté professionnelle du salarié et de cette façon, le droit français se trouve en harmonie avec la plupart des législations européennes.
- COMPORTER UNE CONTREPARTIE FINANCIERE
Il s’agit d’une somme d’argent venant compenser l’atteinte à la liberté du salarié. Elle est fixée contractuellement et les parties sont libres d’en prévoir les modalités et le montant (qui ne peut être dérisoire). La contrepartie peut être versée en totalité au moment du départ du salarié ou à la fin de chaque mois pendant toute la période de non-concurrence. Le versement de cette contrepartie financière ne peut avoir lieu avant la fin du contrat de travail.
II- L’EXIGENCE D’UNE CONTREPARTIE FINANCIERE EN PRESENCE D’UNE CLAUSE DE NON CONCURRENCE
Si l’exigence d’une contrepartie financière doit nécessairement être prévue lorsqu’une clause de non concurrenceest insérée dans un contrat de travail, il en va différemment dans les contrats relatifs au droit des sociétés, toutefois, un arrêt de 2011 a suscité quelques interrogations.
> DROIT DU TRAVAIL
Jusqu’en 2002 le versement d’une contrepartie financière au salarié par l’employeur n’était pas obligatoire mais dans les trois arrêts en date du 10 juillet 2002, la Cour de cassation a décidé qu’une clause de non-concurrence n’était valable que si elle comportait l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
La Cour de cassation a ensuite décidé que l’exigence de cette contrepartie financière était d’application immédiate, ainsi, toutes les clauses de non-concurrence contenues dans les conventions collectives et les contrats de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière devaient être considérées comme étant nuls.
>DROIT DES SOCIETES
Un arrêt de la Chambre commerciale du 15 mars 2011 a permis d’établir un lien entre le droit du travail et le droit des sociétés concernant le versement de la contrepartie financière attachée aux clauses de non concurrence. Désormais, la Chambre sociale et la Chambre commerciale sont en harmonie sur la question puisque une protection identique est assurée par les deux Chambres.
Dans l’affaire de 2011, le débiteur de l’obligation de non-concurrence détenait la double qualité de salarié et d’actionnaire de la société car il possédait plusieurs actions de la société. Endossant la qualité d’actionnaire, la clause de non-concurrence avait été stipulée, non pas dans son contrat de travail, mais dans le pacte d’actionnaires.
La question qui se posait en l’espèce était alors de savoir si la clause de non concurrence devait comporter une contrepartie financière alors même que la clause était insérée dans le pacte d’actionnaires.
>La qualité de salarié prime sur la qualité d’actionnaire : la contrepartie financière est due en raison du statut de salarié.
La Cour de cassation affirme, sous les visas du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et de l’article 1131 du code civil, « que lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir d’un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, la clause de non-concurrence signée par lui, n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».
La Chambre commerciale a donc opéré un véritable revirement de jurisprudence concernant l’exigence d’une contrepartie financière, puisque jusqu’ici la formation commerciale persistait à ne pas en réclamer (même dans les contrats de travail). Par cet arrêt, la Chambre commerciale maintient les autres conditions de validité de la clause en précisant qu’elles sont désormais cumulatives et ajoute la nouvelle condition imposée : la contrepartie financière.
La clause de non-concurrence ne figurait pas dans le contrat de travail lui-même, mais dans un pacte d’actionnaires interdisant de faire concurrence à la société. Si la solution inverse avait été retenue, il aurait donc été aisé pour les employeurs de contourner l’exigence d’une contrepartie financière en stipulant de façon systématique les clauses de non-concurrence dans des pactes d’actionnaires afin d’éviter de verser la contrepartie.
Or, aujourd’hui il n’importe pas de savoir si la clause de non-concurrence est incluse dans un pacte d’actionnaires ou dans un contrat de travail, la clause de non-concurrence a acquis une relative autonomie au regard du contrat principal. C’est bien la qualité de salarié qui l’emporte sur celle d’actionnaire, l’exigence de la contrepartie financière n’est exigée uniquement parce que l’actionnaire avait également la qualité de salarié.
Cette solution ne vaut donc que pour les salariés, qu’ils soient associés ou actionnaires. En revanche, elle ne vaut pas pour les actionnaires ou les travailleurs non-salariés qui auraient souscrit des clauses de non concurrence.